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LES LIVRES D’ARTISTES DE L’ATELIER DE L’ÎLE

LES LIVRES D’ARTISTES DE  L’ATELIER DE L’ÎLE de 1983 à 2011
Au Centre d’exposition de Val-David jusqu’au 22 mai 2011
Par Jocelyne Aird-Bélanger

Introduction :
Voyage au pays des livres d’artistes collectifs de l’Atelier, cette exposition réunit un ensemble d’histoires qui s’imbriquent l’une dans l’autre comme des poupées russes ou encore comme un éventail qui se déploierait de plus en plus …. D’abord, il y a l’histoire comprise entre les deux pages couverture de chaque livre puis l’histoire de la réalisation de chacun. En faisant ce voyage, on suit également l’histoire de l’Atelier de l’Ile lui-même et de son évolution. Finalement, c’est mon histoire personnelle qu’on survole puisque j’ai non seulement participé comme artiste à tous les livres collectifs de l’Atelier, mais aussi, parce que mon travail fut pendant plus de 20 ans, de les coordonner et d’écrire régulièrement à leur sujet-soit pour les médias, soit pour les demandes de bourses ou encore pour les catalogues qui les accompagnent. Ce sont de belles histoires de création, de collaboration et elles laissent sur la rivière du temps, des marques, des repères qu’il est captivant de consulter et d’admirer.

Des livres d’artistes-Pourquoi?
Dans les années 70, l’estampe était très florissante au Québec. Pop art et autres mouvements artistiques étendaient leur emprise un peu partout. Au temps des fleurs et des cheveux longs, l’atmosphère était aux entreprises collectives. L’Atelier de l’Ile n’y échappa pas. Né après la Guilde graphique et GRAFF, notre atelier respirait l’air du temps et cherchait à unir les forces de création les plus diverses. De nombreuses éditions d’estampes furent créées à l’Atelier depuis ses débuts il y a 35 ans, comme nos tiroirs d’archives qui débordent, en témoignent. Elles sont fragiles et difficiles à consulter.
Le livre d’artiste collectif quant à lui, est une manière concise de refaire ce parcours puisqu’il bloque dans ses pages, des œuvres de formats semblables, pensées pour vivre ensemble sous une même couverture. Déposés aux Bibliothèques nationales, marqués d’un ISBN unique, ils assurent à nos démarches une pérennité protégée et accessible au monde entier. Ils étaient aussi au début, des manières heureuses de lever des fonds pour les divers projets de l’Atelier. Aujourd’hui que nos deux bibliothèques nationales sont en ‘moratoire’ et n’achètent plus, ces jours semblent bien révolus même si on continue à déposer nos livres dans leurs filières. Reflets sociologiques, culturels, historiques, ces livres d’artistes  racontent de manière précise une histoire qu’ils brulent –métaphoriquement- de  raconter.

L’Atelier de l’Ile était à l’origine situé sur une petite île dans la Rivière du Nord… petite  île que l’on ne perçoit vraiment qu’à la fonte des neiges quand l’eau déborde sur le Chemin de l’Île. A son retour de Paris, M .T. Tremblay a fondé l’Atelier en 1975 dont je fus le 1ière membre le 8 octobre 1975. L’Atelier s’était donné comme  mandat initial de  promouvoir la gravure et de favoriser le  multidisciplinaire…
L’atelier est né la même année que les Créateurs Associés qui ont tenu leur premier Marché sur le site de  la Butte à Mathieu cet été là.


DE 1981 À 1983   1ER LIVRE  «L’ÎLE »    =11 graveurs /11 poètes
Ce livre d’artiste est une coédition de l’Atelier avec lCONIA, la maison d’édition de livres d’art de Guy Robert.
Après avoir édité 2 livres avec des membres individuels de l’Atelier, M. Robert s’est montré intéressé par ce projet collectif et a participé aux réunions de l’Atelier pour les questions spécifiques à l’édition, telles dépôts légaux, textes, etc. Il a choisi la couleur et le type de caractères des textes. Il s’est aussi occupé du boîtier, du relieur –Pierre Ouvrard et des mesures de dépôts aux bibliothèques nationales du Qc et du Can.
L’atelier a pris en charge la réalisation physique du livre, coordonnant le travail des 11 artistes et des 11 poètes. Grâce à une entente avec l’éditeur, le papier fut acheté par l’Atelier et remis aux membres participants de même que les plaques pour les matrices. Sur une édition de 30, l’atelier a reçu 10 de ces livres et l’Éditeur 20.
 Les artistes on tiré chacun 57 épreuves pour réaliser l’édition, combler les dépôts, les épreuves d’artistes, les 2 dépôts de l’Atelier, et le livre complet remis à chacun des artistes graveurs + 3 épreuves remises aux poètes.
Les poètes ont été réunis grâce à Yves-Gabriel Brunet.
Nous ont  quittés depuis, l’éditeur Guy Robert, le graveur Marcel Carrier ainsi que les poètes, Gilbert Langevin et Janou St-Denis.
L'ÎLE    Marcel Carrier    1983


Le LIVRE D’ARTISTE COLLECTIF provoque une synergie rassembleuse qui crée un momentum dans un atelier et donne naissance à une collaboration et à une solidarité uniques. C’est un peu comme faire un film avec une équipe temporaire mais tricotée serrée jusqu’à la fin du projet.  Dans le cas de l’ILE, la production d’ un livre d’artiste axé sur un thème laissant à chacun  sa liberté de création  à l’intérieur de contraintes physiques librement développées et acceptées a été génératrice d’un travail original qui a débouché sur une dimension nouvelle éclatant sur les murs du Musée d’art contemporain au début d’octobre 1983 lors de L’ILE EN L’ILE.  Cette performance réunissait des graveurs, sculpteurs, poètes et musiciens qui imprimèrent au rouleau compresseur des oeuvres de très gand format.
Une semaine plus tard, l’Atelier exposait 40 œuvres à la Maison du Québec au Rockefeller Center à New-York!


1987 : jan-fév. L’Atelier déménage sur la rue Dufresne dans le local actuel…
Aménagement du local, transport de la presse litho et des pierres, achat et élévation de la presse eau-forte, etc.,  six mois de travaux collectifs intenses se sont écoulés pour aménager notre nouvel atelier.
A l’été 1987,  Francine Simonin vient donner un stage sur intégration des diverses techniques de gravures. Les participants décidèrent ensemble de la création d’un livre témoin : SCROGNIEUNIEU.  Le porte folio, sans texte, rassemble 9 artistes de l’Atelier  qui se sont entendus sur un  format et sur le fait que chaque œuvre devait réunir au moins  de 2 techniques au moins par œuvre.

A son premier mandat de favoriser des artistes de diverses disciplines, vient alors ajouter celui de promouvoir des échanges entre artistes d’origines ethniques différentes afin de favoriser une meilleure compréhension de la culture et du langage artistique universels.

Cette politique d’échange fut d’abord initiée avec le Mexique. Ensuite, afin de répondre au besoin impérieux d’une meilleure compréhension des cultures des peuples autochtones d’Amérique du Nord, l’Atelier a instauré en 1990, en collaboration avec le Conseil des arts du Canada et le Ministère des affaires culturelles du Québec, un programme de 6 ans dans le but de promouvoir des échanges directs de ressources techniques et culturels avec des artistes amérindiens et Inuits.


1991 : TOTEM DE PIEDRA
En 1989, les artistes de l’Atelier de l’Île rencontraient Roberto Ferreyra par l’entremise de Bonnie Baxter qui avait vu son exposition à l’Université Concordia où elle enseignait. Ferreyra y était venu à l’invitation de Scott Macleod et de ses amis du groupe LA RAZZA –pour qui Ferreyra avait organisé une expo à Mexico. Suite à cette 1ière rencontre, tout l’Atelier fut sollicité et un projet de groupe vit le jour, projet qui prit le nom imaginé par le poète mexicain Benito Luis Diaz : TOTEM DE PIEDRA
Exposé à Montréal à la Galerie Simon Blais et dans 4 lieux au Mexique (Galerìa Nacionale de la Estampa et Galerìa Praxis à Mexico, Muséo José Luis Posada à Aguascalientes et Galerìa d’Arte contemporaneo à Morelia), ce livre de grand format fut intégré dans le projet plus large d’échanges interculturels panaméricains qui firent l’objet de visites et d’expositions au Québec et ailleurs au Canada.
Benito Luis Diaz a composé 20 poèmes suite à sa visite de notre région par un automne extraordinaire où l’air était chaud, les lacs d’un bleu profond et les feuilles, d’or et de pourpre. Benito n’avait jamais vu d’automne; il fut émerveillé par la chute des feuilles et la beauté de la nature. Début janvier 1990, nous recevions sa suite de poèmes en espagnol, que nous avons fait traduire par 2 autres poètes, Claude Beausoleil pour le français et Hugh Hazelton pour l’anglais. Ces poèmes de très haut calibre étaient imprégnés d’un souffle mythologique et spirituel tout en étant très lyriques.

La même démarche s’est mise en place. Chacun des 11 graveurs a choisi un poème et s’est laissé inspirer par son atmosphère et ses mots. Il ne s’agit pas, dans un livre d’artiste, d’illustrer un texte mais bien de réunir 2 artistes pour qu’une œuvre nouvelle ressorte. D’où, le résultat qui est plus grand que la somme des parties-

De multidisciplinaire aux échanges nationaux et internationaux, l’Atelier s’ouvre désormais à la  mondialisation…..

TOTEM DE PIEDRA
 détail de l'estampe de Paul Ballard


TOTEM DE PIEDRA  
détail de l'estampede Jocelyne Aird-Bélanger


1998 www.atelier.qc.ca
Et puis, l’informatique s’est imposée à l’Atelier et en 1998, pour célébrer les 20 ans de l’incorporation de l’Atelier, le site Web de l’Atelier est au Musée des beaux arts de Montréal. Nous avions là l’opportunité de combler l’écart que creusait notre éloignement de la métropole et de faire rayonner le travail de l’Atelier un peu partout sur la toile.



Pour bien marquer ces premiers 20 ans et mon départ comme directrice de l’Atelier, vingt-huit artistes ont contribué une œuvre afin de  réaliser un livre unique qui me fut offert en souvenir….Ce merveilleux livre d’artistes, intime et personnel, fut relié par Michel Uzal de la Bibliothèque de Val-David et coordonné par Lynn Gauthier qui en avait eu l’idée…

Pui il y eut la création d’un nouveau livre d’artiste collectif :
SUBTANCE DE L’ENCRE avec16 artistes de l’atelier et un poème de Désirée Szucsanny, poète des Laurentides, ainsi qu’un texte historique de l’historienne d'art Louise Beaudry, présenté dans un boitier conçu par le maître relieur Jacques Fournier où on peut glisser en couverture, une estampe différente selon l’heure du jour ou du mois… SUBSTANCES DE L’ENCRE fut présenté avec L’ILE à la Bibliothèque nationale du Québec, alors située sur la rue St-Denis à la Bibliothèque St-Sulpice.

SUBSTANCE DE L'ENCRE    estampe de Ginette Piché


2000 L’AUTRE HEURE
L’an 2000-comment voir cette date importante? La fin d’un siècle, d’une décennie? Le début d’un nouveau millénaire???  18 artistes de l’Atelier y ont réfléchi en choisissant une phrase pour accompagner une image qu’ils devaient créer et inclure sous forme de livret.  Le tout fut exposé à Montréal à la Galerie de Loto Québec.


En même temps, pour respecter son mandat, l’Atelier a lancé un appel international à travers le web, invitant les artistes à créer un TIMBRE DU MILLÉNAIRE qui devait être apposé sur une enveloppe format affaires. 200 œuvres nous sont parvenues de 11 pays. Nous étions au« pays du temps», tel que le commissaire Richard Purdy l’avait imaginé. Il y eut une installation au Musée d’art contemporain des Laurentides, une affiche et 5 livres de la taille d’un timbre poste réunissant tous les timbres reçus furent imprimés.

2008 Forêt Nomade
 L'œuvre collective Forêt Nomade est une intervention artistique sur la problématique de l'environnement et un projet d'échange avec un pays nordique, la Finlande. Métaphore de la véritable forêt, les bandes de papier se déploient pour devenir arbres. Des boîtes de papier liées aux bandes deviennent terreau, esquif ou nacelle, réceptacles de racines et de continuité. En développant un terrain visuel commun, les artistes des ateliers de gravure de la Finlande et de l’Atelier de l’Ile de Val David font ressurgir la diversité tout autant que la similarité des deux cultures.
L’Album qui accompagne cette installation regroupe vingt-neuf estampes créées par vingt artistes québécois et neuf artistes finlandais et constitue un des volets du projet  FORÊT NOMADE mis en œuvre par les membres de l'Atelier depuis 2005. Chaque estampe de l'album représente un détail de l'œuvre-maîtresse du graveur cherchant à mettre en lumière les comportements néfastes de l'homme face à l’environnement. Suivant ce fil de pensée, les poèmes de deux poètes québécois Gaston Miron et d’un finlandais et d’Archibald Lampman témoignent de leurs sentiments et préoccupations envers à la forêt.

2010-2011 (Catalogue et œuvres…)
VALISES NUMÉRIQUES/VALIJAS DIGITALES est un projet itinérant de LIVRES D’ARTISTES réalisé en 2009-2010 qui réunit sept artistes de Holguín à Cuba et vingt artistes de l'Atelier de l’Ile de Val-David au Québec. Centré sur «L’Art et les nouvelles technologies de communications » (ordinateurs, Internet, I Phone, I Pad, MP3, etc..), ce projet d’échange cherche à rapprocher des artistes aux antipodes du développement technologique et à comprendre le rôle de ces technologies nouvelles pour les artistes d’ici et d’ailleurs. Le projet est né lors d’une résidence à l’Atelier, de deux artistes cubains intéressés à collaborer avec des artistes nord-américains. Ces «Valises» voyageront dans de nombreux centres d’exposition au Canada et à Cuba.
VALISES NUMÉRIQUES
 livre de Ruben Hechavaria Salvia , Cuba

Ici, chaque artiste a crée son propre livre, soit 27 qui se retrouvent dans des valises qui ont déjà fait l’aller-retour à Cuba et qui iront à l’automne à la galerie du Centre Shenkman à Orléans près d’Ottawa puis au printemps prochain à Holguin, à Cuba. Un catalogue en 3 langues, accompagne ces Valises itinérantes…
Ces livres ont déjà commencé à voyager de manière virtuelle sur le Web à travers des réseaux dédiés aux Livres d’artistes à partir du Canada, de l’Espagne, des États-Unis, de l’Amérique du Sud ou d’autres pays…Ce sont vraiment des Valises numériques, lourdes à porter mais légères  une fois numérisées….

Ce projet marque aussi l’évolution des livres d’artistes –Au début, il y avait le BEAU livre a édition limitée avec reliure de luxe. Cela existe encore mais le besoin d’investir la niche du «livre» quand on est un artiste visuel, dépasse l’œuvre de luxe. Les formes et les procédés sont de plus ouverts et inter reliés. Les livres d’artiste aujourd’hui peuvent être des livres-objets, des livres altérés, des nouvelles graphiques, des ‘zines, des bandes dessinées, des livres accordéon, rouleaux, des pages séparées déposées dans une boîte, etc. On y retrouve parfois des textes et parfois non. 
Comme le dit Stephen Bury, en fin de compte, les livres d’artistes- peu importe leur forme- sont ceux sur lesquels l’artiste a un très grand degré de contrôle; ce sont ceux qui sont destinées à être en eux-mêmes, des œuvres d’art.


Conclusion :
La dizaine de livres collectifs exposés au Centre d’exposition de Val-David témoignent d’une synergie rassembleuse source de solidarité et de création. Ils rappellent une époque, racontent l’histoire de notre atelier et traversent le temps. Ils sont une preuve de la pérennité d'artistes qui continuent à créer et montrent le passage de ceux qui ont arrêté de produire ou qui ont disparu.
De la couverture du disque LA SCOUINE à la performance au Musée d’art contemporain, du Mexique à Cape Dorset au Nunavut ou aux Iles de la reine Charlotte en Colombie britannique, de Val-David à Cuba, l’Atelier de l’Ile a étendu ses ailes et favorisé de nombreuses initiatives aux cours de ses 35 ans d’existence. Ses livres d’artistes collectifs, en concentrant les énergies créatrices de ses membres sur des projets de groupe, ont parsemé son parcours de traces indélébiles, faites de solidarité, de convivialité et de beauté.
Fort de toute l’expérience accumulée au cours des ans, l’Atelier se propose maintenant d’ajouter une spécialité de plus à son arsenal et de  devenir dans les années qui viennent un Carrefour des arts du livre  pour le Québec. L’Internet et les nouveaux moyens sociaux de communication seront mis en œuvre afin d’offrir des outils aux artistes intéressés par le milieu des livres d’artistes qu’ils sortent des universités ou qu’ils soient plus avancés dans leur carrière. A suivre… Le pays des livres d’artistes est vaste et ouvert à tous le temps de cette exposition ou encore dans nos bibliothèques nationales et parfois sur le web….Bonne visite !